Les sacrements (28) : Ce que les Églises nous servent
Du vin rouge, du vin blanc, du jus de raisin ? Pur ou avec de l’eau ? Comme pour le pain, la chrétienté a développé une multitude de variantes pour le second élément de la sainte cène. Et chaque variante a sa justification, tantôt de nature théologique, tantôt de nature profane.
Le vin ? Au sens strict, les récits bibliques concernant la dernière sainte cène n’en parlent pas. Les paroles d’institution de Jésus ne parlent que de la « coupe ». Néanmoins : le contenu provient explicitement du « fruit de la vigne ». Cela aurait pu être trois choses dans le monde antique.
Le plus improbable serait le jus de raisin, car il ne pouvait pas être conservé à l’époque. Et ce n’était pas la bonne saison pour le moût frais. Le vinaigre de vin, qui était bu comme un désaltérant avec beaucoup d’eau, n’est guère plus plausible, puisqu’il s’agit d’un repas de fête. À cette occasion, on servait alors du vin fermenté de façon classique, souvent dilué avec un peu d’eau.
Du sang de raisin et de l’eau chaude
Avec une quasi-certitude, il s’agissait de vin rouge. La couleur symboliquement proche de celle du sang dont parle Jésus n’est pas la seule à en témoigner. Dans l’Ancien Testament, déjà, le vin est aussi appelé « sang de raisin ». C’est pourquoi les Églises orthodoxes insistent jusqu’à aujourd’hui pour célébrer l’eucharistie avec du vin rouge.
Durant des siècles, cela a également été la norme au sein de l’Église catholique. Le vin blanc n’a été autorisé qu’en 1478 par le pape Sixte – il s’est depuis largement imposé. La raison à cela est plutôt d’ordre pratique : depuis 1570, le missel de Trente prescrit l’utilisation d’un linge pour nettoyer le calice (purificatoire). Le vin blanc fait alors des taches moins laides que le vin rouge.
L’Église catholique et les Églises orthodoxes versent toutes deux de l’eau dans le vin. À l’ouest, c’est juste un petit coup. À l’est, elle constitue jusqu’à un tiers du calice, et elle est chaude – afin de porter l’ensemble du mélange à la température du corps. Ce rite est celui du zéon, connu au plus tard depuis Constantinople, en 582. Quoi qu’il en soit, le contexte est ce qui s’est passé après la mort de Jésus sur la croix : « … un des soldats lui perça le côté avec une lance, et aussitôt il sortit du sang et de l'eau. »
Considérer la culture et la maladie
Une invention relativement récente dans l’histoire de l’Église est l’utilisation du jus de raisin. L’origine est le mouvement de réveil et de sanctification du XIXe siècle. L’abstinence d’alcool faisait alors partie du nouveau mode de vie recherché. Deux ecclésiastiques sont à l’origine de cette percée : l’un a établi la thèse, selon laquelle du vin non fermenté avait été servi lors de la dernière sainte cène avec Jésus ; l’autre a trouvé un procédé pour conserver le jus de raisin.
Via des communautés méthodistes, cette variante est arrivée des États-Unis jusqu’en Grande-Bretagne puis en Europe ainsi que dans le reste du monde. Aujourd’hui, le jus de raisin est utilisé dans de nombreuses communautés religieuses dans lesquelles les enfants peuvent également participer à la sainte cène. Le jus de raisin est autorisé comme alternative au vin au sein des Églises protestantes, mais doit rester une exception. La tendance va néanmoins dans cette direction en raison de la considération croissante pour les personnes alcooliques.
Les possibilités sont encore plus variées au sein des Églises anglicanes, qui, dans un esprit d’inculturation, adaptent leurs liturgies aux cultures des pays respectifs. Selon les endroits, par exemple, les jus de fruits ou l'infusion de raisins secs sont autorisés pendant la sainte cène. La dernière variante se rapproche à nouveau de la version originale : l’infusion de raisins secs était déjà la boisson donnée aux enfants juifs il y a 2000 ans lors des repas de fête.