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Le vendredi silencieux : Eli, Eli, lama sabachthani

avril 15, 2022

Auteur: Peter Johanning

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Le vendredi précédant Pâques est un jour silencieux. Celui qui a déjà connu l’état de deuil sait combien le silence peut faire du bien. Les compagnons de Jésus étaient eux aussi endeuillés. Ils ont vu leur maître se faire torturer, crucifier et tuer. Ils ont vécu ces actes barbares de très près…

À proprement parler, le vendredi saint repose sur une motivation positive : « Ne fallait-il pas que le Christ souffre ces choses, et qu’il entre dans sa gloire ? » (Luc 24 : 26). Oui, il le fallait. Comme constatation, ceci se lit vite, c’est théorique et presque anodin. En pratique, c’est tout à fait autre chose. Mais quiconque a déjà été réellement frappé, torturé, terrorisé et humilié dans sa vie, aura une toute autre compréhension de cette question. Oui, bien sûr, on dit « Tout est bien qui finit bien », mais personne ne veut vraiment souffrir.

L’histoire de Jésus-Christ souffrant est vite racontée, les évangiles du Nouveau Testament en parlent. Ces textes sont rédigés de manière telle que la brutalité de l’événement n’y est guère exprimée. On aurait pu le formuler autrement :

  • Au lieu de : « Pilate dit aux principaux sacrificateurs et à la foule : Je ne trouve rien de coupable en cet homme. Mais ils insistèrent, et dirent : Il soulève le peuple, en enseignant par toute la Judée, depuis la Galilée, où il a commencé, jusqu’ici. » (Luc 23 : 4-5) – N’est-ce pas étrange de remarquer soudain que des étrangers te soutiennent, tandis que tes voisins, ton propre peuple, eux, te trahissent ? Qu’importe alors la même ascendance, chose à laquelle les Juifs tenaient pourtant tellement ? Être rejeté par ses proches, cela fait mal !
  • Au lieu de : « Ils s’écrièrent tous ensemble : Fais mourir celui-ci, et relâche-nous Barabbas. » (Luc 23 : 18) – N’est-il pas grave que des gens scandent des slogans au bord de la route, se mettent en colère, souhaitent la mort d’une personne, la jettent en pâture ? Dans quel monde vivent donc ces personnes ? Comme si le fait de crier assez fort était le meilleur argument. L’un d’entre eux, un innocent, doit être tué alors qu’un meurtrier condamné doit être libéré à sa place ? Quelle aberration ! Les arguments ne comptent plus. Les cris et le tumulte sont plus forts.
  • Jésus est flagellé, cela signifie qu’il est violemment battu. Il est fouetté jusqu’à ce que la peau éclate et que le sang gicle. Cela doit faire très mal. Les cris de celui qui est ainsi maltraité déclenchent de la joie. « Il l’a mérité ! » Mais pourquoi, au juste ?
  • Jésus est déshabillé, en public, devant tout le monde, il se voit privé de son droit à l’intégrité de la personne. Qu’est-ce que cela peut bien faire aux bourreaux si les humiliations se succèdent ? Comme dans un état d’ivresse, cela continue toujours. La violence devient une drogue.
  • Jésus est fouetté dans les rues de la ville, une exposition publique. Tel un mannequin de vitrine ensanglanté qui amuse la galerie. La croix de bois pèse lourd sur ses plaies éclatées, chaque pas déclenche une souffrance infernale. Ils rient, le frappent, lui crachent dessus, le fixent du regard. Des singes hurlants en habits humains.
  • Au pied de la croix, ils se moquaient encore de lui, les personnalités importantes et les soldats. La moquerie est une forme grave de discrimination. En se moquant d’une personne, un moqueur la méprise, la bafoue, la rejette et l’exclut. La moquerie ne connaît pas le pardon, elle ouvre la porte à l’agressivité. Si les mots pouvaient tuer… Mais ils ne le peuvent pas, la mort vient autrement : lentement et seulement après des heures. Des jambes cassées, des mains transpercées par des clous, le corps meurtri attaché à une poutre longitudinale sans assise, des bras qui s’allongent de plus en plus, les sens embrumés, un collapsus cardiovasculaire, la défaillance terminale des organes internes.

« Depuis la sixième heure jusqu’à la neuvième, il y eut des ténèbres sur toute la terre. Et vers la neuvième heure, Jésus s’écria d’une voix forte : Eli, Eli, lama sabachthani ? C’est-à-dire : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? Quelques-uns de ceux qui étaient là, l’ayant entendu, dirent : Il appelle Élie. Et aussitôt l’un d’eux courut prendre une éponge, qu’il remplit de vinaigre, et, l’ayant fixée à un roseau, il lui donna à boire. Mais les autres disaient : Laisse, voyons si Élie viendra le sauver. Jésus poussa de nouveau un grand cri, et rendit l’esprit. » (Matthieu 27 : 45-50).

Le silence s’installe. Enfin le silence…

Photo : jchizhe – stock.adobe.com

avril 15, 2022

Auteur: Peter Johanning

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