Quand Salomon calcule de manière approximative

Dieu n’aime-t-il pas les mathématiques ? Sinon, comment expliquer que la Bible se trompe sur le nombre pi ? – Une promenade transcendante et irrationnelle à l’occasion de la Journée de Pi du 14 mars.
« Soit tu acceptes que la parole de Dieu est faillible », s’insurge l’athée autoproclamé. « Ou bien tu t’accroches aux convictions que Dieu t’a données », peut-on lire sur le blog Gospel of Reason (L’Évangile de la raison), qui a entre-temps été fermé. Mais alors, « crie à haute voix vers le ciel que Pi, bon sang, est égal à 3,0 parce que Dieu l’a dit ».
Un coup d’épée dans l’eau ?
Ce qui énerve tant le fanatique de la vision du monde ici, c’est un verset de la Bible : « Il fit la mer de métal fondu. Elle avait dix coudées d’un bord à l’autre, une forme entièrement ronde, cinq coudées de hauteur, et une circonférence que mesurait un cordon de trente coudées. », lit-on en I Rois 7 : 23 (et de même en II Chroniques 4 : 2).
Lui, c’est le roi Salomon. Et la mer est un immense bassin d’eau en bronze dans la cour de son temple. Mais les dimensions interpellent effectivement. Car cela signifierait que le rapport entre la circonférence et le diamètre d’un cercle est de 3,0. Or, comme chacun sait, cette valeur – célèbre sous le nom de pi, Pi ou π – se chiffre à 3,14159… et ainsi de suite.
Dans le collimateur de la science
Mais les anciens Égyptiens et Babyloniens le faisaient déjà mieux un millénaire plus tôt. Ils calculaient π = 25/8 = 3,125. Pourquoi la Bible se trompe-t-elle à ce point ?
Les érudits juifs ont débattu de cette question bien avant que les athées modernes ne la découvrent. Le Talmud, recueil d’écrits doctrinaux dont le contenu remonte à l’époque préchrétienne, documente ce discours.
Effectivement, il existe même des études scientifiques qui retracent ce débat. « Au sujet de l’approche rabbinique de π », c’est par exemple le titre d’un ouvrage datant de 1996 (titre original : « Über die rabbinische Annäherung an π », NdT). Les auteurs s’en sont manifestement donné à cœur joie : l’étude fait 10 pages et la liste de littérature comprend 30 références – ces chiffres ne rappellent-ils pas quelque chose ?
Plus près grâce à la perspicacité
Il existe diverses explications à cette imprécision biblique : Tantôt le bassin aurait pu être ovale. Une autre fois, c’était dû à des mesures divergentes de l’intérieur et de l’extérieur d’un bord épais. Et tantôt les rédacteurs de la Bible ont simplement arrondi vers le haut ou vers le bas.
C’est le rabbin Matityahu Hacohen Munk qui y a regardé de plus près dans les années 1960 : Dans le verset biblique en question, le mot hébreu pour cordon se lit justement différemment de ce que l’on prononce. Cela devient intéressant si l’on suit la gémantria, c’est-à-dire le système hébraïque consistant à associer des lettres à des chiffres spécifiques. Les mots divergents donnent alors une valeur π de 3,141509 – très proche pour le coup !
Irrationnel et transcendant
Le rabbin Moshe Ben Maimon a quant à lui fait mouche : « Il faut savoir que le rapport entre le diamètre du cercle et sa circonférence n’est pas connu et qu’il ne sera jamais possible de l’exprimer précisément. »
Il a dit cela environ 600 ans avant que les Européens ne découvrent : π est un nombre irrationnel et transcendant. Cela n’a à voir ni avec les états d’âme ni avec l’ésotérisme. Mais la valeur de π est infiniment longue après la virgule, sans se répéter. Et le nombre pi ne peut pas non plus être exprimé par des outils d’algèbre, appelés familièrement « calcul avec des inconnues ».
Questions de suivi philosophiques
Ce qui soulève immédiatement une nouvelle question : Dieu connaît-il tout le nombre π ? Après tout, il est omniscient et il maîtrise l’infini. C’est précisément de cela que discutent les gens sur le forum reddit r/askphilosophy. Le résultat n’est toutefois pas très éclairant. En fin de compte, il s’agit plutôt de savoir comment la question devrait être formulée.
La Bible a donc le dernier mot – prenons Colossiens 3 : 14 : « Mais par-dessus toutes ces choses, revêtez-vous de l’amour, qui est le lien de la perfection. »
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Contexte : la journée de π
Il est surprenant de voir tout ce pour quoi il existe des journées de commémoration ou des jours fériés – même pour le nombre pi. L’instigateur en était Larry Shaw, physicien et conservateur d’un musée à San Francisco.
La célébration a lieu le 14 mars. Cela vient de la forme américaine de cette date : 3/14. Idéalement, on faire sauter le bouchon de champagne à exactement 1 h 59 et 26 secondes. On a alors visé π à sept décimales près.
L’UNESCO a fait de cette journée la Journée internationale des mathématiques. C’est la date de naissance d’Albert Einstein et l’anniversaire de la mort de Stephen Hawking – deux des physiciens théoriciens les plus célèbres de tous les temps.
Si la date américaine ne vous convient pas, vous pouvez aussi célébrer le nombre π le 22 juillet. Car 22 divisé par 7 donne à peu près 3,14 – assez précis pour faire la fête. En attendant, vous pouvez toujours chercher votre propre date d’anniversaire dans l’infini de π.