Ce qui compte pour lui, ce n’est pas le pouvoir, mais l’amour et la proximité : dans ce premier entretien, l’apôtre-patriarche adjoint dévoile ses pensées, ses sentiments – et sa foi.
C’est fait ! En nommant Helge Mutschler apôtre-patriarche adjoint, l’apôtre-patriarche Jean-Luc Schneider a désigné son successeur à la tête de l’Eglise néo-apostolique. Jusqu’à son ordination à la Pentecôte 2026, le nouvel adjoint aura largement le temps de découvrir l’Eglise mondiale. Et les fidèles du monde entier de faire plus ample connaissance avec lui. En attendant, il a accepté de répondre à quelques questions lors d’un entretien avec le responsable de la communication de l’Eglise Néo-Apostolique Internationale. Il l’a fait avec franchise et une émotion palpable.

Cher apôtre, commençant par quelques chiffres. Vous êtes le 875ème apôtre de l’Eglise néo-apostolique et deviendrez dans un an le dixième apôtre-patriarche. A ce moment-là, vous direz pour la dixième fois « oui » pour accepter un ministère ou une fonction spirituelle. Vous souvenez-vous de votre premier « oui » ?
Eh bien… en automne 1994, on m’a informé que je devais être ordonné sous-diacre. L’ancien de district est venu me voir chez mes parents à Freudenstadt (Allemagne méridionale). Je savais que j’allais bientôt m’installer à Hanovre pour mes études. Je lui ai donc dit : « Hans, ça n’a pas de sens d’accepter un ministère ici, je vais partir à Hanovre ». Je me souviens encore très bien de sa réaction : « un ministère est un ministère ! » (rire) Cette réponse peut surprendre aujourd’hui, mais à l’époque, elle a brisé ma résistance. Ce n’est pas l’argument qui m’a convaincu, mais ce que j’ai perçu à travers les paroles de l’ancien : j’ai senti qu’il s’agissait de quelque chose d’important, d’un appel auquel je ne pouvais pas me soustraire.
Le passage de diacre à prêtre n’a pas été facile, et j’ai réfléchi longtemps avant d’accepter. Je savais dès le début que ce serait oui, mais il m’a fallu du temps pour le formuler. Il m’en a fallu encore plus pour mon ordination comme apôtre. Je croyais en l’appel de Dieu, mais il n’a pas été simple d’y répondre. J’aimais beaucoup mon métier et le quitter allait bouleverser ma vie. Mais le oui à Dieu était ancré en mon for intérieur, de même que l’engagement d’être fidèle à Jésus-Christ et la promesse de suivre l’apôtre-patriarche. C’est pourquoi j’ai accepté, en toute connaissance de cause.
Bon, pour ce qui est de la nomination comme apôtre-patriarche adjoint… (courte pause). J’ai immédiatement perçu l’importance de l’appel. Mais avant de s’adresser à moi, l’apôtre-patriarche a beaucoup prié. Cet appel vient de Dieu. Je n’ai pas d’autre solution que de faire confiance à Dieu et de l’accepter. Je réponds donc par un oui empreint de foi et de confiance en Dieu.
L’Eglise a beaucoup évolué ces cinquante dernières années. Quelle tradition vous tient-elle spécialement à cœur ? Et quelle a été pour vous l’évolution la plus marquante ?
La pastorale ! Elle a toujours été un pilier dans notre Eglise. Une belle tradition, vraiment ! Je pense qu’elle pourrait retrouver une place plus importante. Il s’agit de construire et de maintenir des relations. J’aimerais susciter l’envie de la pastorale. Dispenser des soins pastoraux peut aussi être très bénéfique pour les ministres. En créant du lien, la pastorale donne accès à la consolation et à la joie du ciel.
Pour ce qui est de l’évolution, je pense en particulier à la notion de responsabilité individuelle introduite par l’apôtre-patriarche Urwyler. Je suis très heureux qu’on puisse aujourd’hui parler de la foi sans avoir peur. C’est si important de pouvoir le faire sans préjugés, d’égal à égal. On ne nous dicte plus ce que nous devons être ou faire. On accepte l’autre tel qu’il est. C’est vraiment une belle évolution.
Les uns trouvent l’évolution trop rapide, les autres trop lente. Les uns demandent : « est-ce encore mon Eglise ? ». Les autres : « pourrais-je enfin m’y sentir à l’aise un jour ? » Comment satisfaire toutes ces attentes ? Que peut-on faire, que faut-il faire ?
Mon objectif n’est pas de satisfaire tout le monde. Ce n’est pas ma mission, ni celle de l’apostolat. Ce qui importe, c’est la vérité. Et la vérité, c’est Jésus-Christ.
Cette vérité s’accompagne d’une grande diversité et d’une multitude de perspectives. La communion des fidèles est aussi diverse que les fleurs dans une prairie. C’est beau quand chacun peut dire : je te vois, je te respecte, même si tu es différent.
Je suis différent des autres. Et j’ai besoin que l’autre me dise : « Helge, je te respecte, je respecte ton altérité. » C’est si bon de se sentir accepté tel qu’on est.
A propos d’unité dans la différence. Il est souvent plus facile d’accepter la diversité à l’étranger qu’à la maison. Comment peut éviter cela ?
Comme dit, j’apprécie beaucoup la diversité d’une prairie fleurie. Mais la diversité nécessite le dialogue. Dialoguer, c’est surmonter les différences ensemble, sans vouloir les supprimer. Le dialogue n’est possible que dans le respect mutuel.
Qu’est-ce qui contribue à notre unité ? Notre amour de Dieu et du prochain, notre foi commune, l’attente du Seigneur et l’apostolat. Voilà ce qui nous unit.
Le dialogue véritable nous permettra d’être unis en étant différents.

Avez-vous connu des situations qui vous ont éloigné de Dieu ? Comment les avez-vous gérées ?
Oui, j’ai connu de tels moments. A un moment de ma vie, j’ai traversé une période extrêmement difficile qui m’a conduit à m’éloigner de Dieu, à l’accuser même. Cette situation a duré un certain temps. Puis quelque chose de particulier s’est produit. J’ai senti que ce Dieu que je rejetais était toujours près de moi. Je pensais être fort et têtu, mais Dieu était encore plus obstiné que moi (rire). Dieu ne s’éloigne jamais de moi, il reste fidèlement à mes côtés. Quand j’ai compris cela, tout est allé très vite. Je suis revenu à Dieu, les bras grand ouverts, en adoration devant sa majesté. Et j’ai dit comme Job : je mets la main sur ma bouche et ne parlerai plus. J’étais enthousiasmé par Dieu et sa grâce, et le suis toujours.
Vous avez mentionné Job…
Durant cette période difficile de ma vie, j’ai souvent cherché des réponses dans le livre de Job. J’ai réalisé à quel point les amis de Job se trompaient. Ces braves gens qui se croyaient si sages. Rien dans leurs propos ne correspondait à ma situation. Ma réponse, je l’ai trouvée à la fin du récit. Job provoque Dieu. Ce dernier lui répond : Job, j’ai bien entendu tes questions. A mon tour de t’interroger. Qui a créé la terre ? Qui a créé les étoiles ? etc. Cela dure un moment. Job se fait humble et se tait. Mais il ne peut pas s’en tirer à si bon compte : Dieu insiste. Tout à la fin, Job dit : maintenant, je sais que Dieu peut tout. Le dialogue est terminé, le problème réglé.
J’ai mis longtemps à comprendre.
La réponse au malheur est à la fois très simple et très compliquée.
La réponse est : Dieu.
(silence)
Comprenne qui voudra.
Vous participez aux assemblées des apôtres de district depuis 2021. Comment s’est passée votre première rencontre ?
(rire) C’était pendant la pandémie. Nous avons fait un test trois jours avant la vidéoconférence officielle. L’un après l’autre a allumé son micro pour vérifier que tout fonctionnait correctement.
La première rencontre en présentiel a été assez impressionnante pour moi. J’éprouvais un profond respect envers tous ces hommes de Dieu expérimentés. Et quand l’apôtre-patriarche vous demande de prendre la parole devant tout le monde pour dire ce que vous pensez de tel ou tel sujet, il y a vraiment de quoi être stressé. Mais je dois dire aussi que j’ai été accueilli très chaleureusement. Cela m’a beaucoup aidé.
Lors de vos voyages, il vous est arrivé de célébrer des services divins avec très peu de participants. Par exemple l’an dernier au Groenland. En 2023 en revanche, vous avez accompagné l’apôtre-patriarche en République démocratique du Congo. A Kananga, il a célébré un service divin avec plus de 26.000 fidèles. Comment décrieriez-vous ces deux expériences si différentes ?
Au Groenland, à Ilulissat, l’assistance était composée d’une seule sœur. Ce fut une très belle rencontre, familiale, intense, riche en émotions.
Et puis il y a eu Kananga, en RDC, avec 26.000 participants. Ou encore les journées internationales de la jeunesse en 2019. Lors de telles rencontres, il est pratiquement impossible de voir chaque participant. Surtout quand la scène est éclairée par des projecteurs : impossible de distinguer les gens dans la salle. Il est alors plus difficile d’établir un contact avec chacun. Et pourtant, j’ai fait l’expérience, à chaque fois, qu’il se passait quelque chose de spécial – la communion du Saint-Esprit. Je ne dirai donc pas que ces grands services sont plus anonymes. Seul l’Esprit est capable de faire cela. En fait, j’aime les deux styles de rencontres.
D’un côté : je suis bien comme je suis – à l’image de Dieu. D’un autre : Je suis un pécheur, incapable d’accomplir pleinement la volonté de Dieu. Comment concilier les deux ?
Ce sont deux aspects antinomiques, comme le feu et l’eau. Quand nous nous repentons, avant de prier le Notre Père, nous essayons de prendre conscience de notre imperfection. Nous sommes des pécheurs, empêtrés dans les liens du péché, sans aucune possibilité de nous en défaire. Mais d’un autre côté nous sommes conscients de la grâce que Dieu nous accorde. Parce qu’il nous trouve bon.
Finalement, le paradoxe n’est qu’apparent.
Dieu est véritable, univoque. Les hommes sont ambigus, équivoques. N’avons-nous pas tendance à compliquer la foi chrétienne ? Peut-on faire simple ?
Sur le fond, c’est très simple : Dieu est amour, et l’amour parfait bannit la crainte. Voilà une vérité profonde, qui n’a rien de compliqué. Aimer Dieu et son prochain n’est pas si difficile.
Il est important de revenir régulièrement à cette foi toute simple.
Helge Mutschler
Helge Mutschler est né le 8 août 1974 à Tübingen (Allemagne) et a grandi à Freudenstadt, en Forêt Noire, avec ses trois frères et sœurs. Après avoir obtenu son baccalauréat et accompli le service civique, il a entamé des études de droit en 1995 à l’université de Hanovre. Devenu avocat en 2003, il a dirigé la Chambre des conseillers fiscaux du Land de Basse-Saxe. Il a passé son doctorat en droit en 2005. En 2007, il a épousé Ann Juliette. Le couple a deux enfants et vit à Hanovre, la capitale du Land de Basse-Saxe.
Helge Mutschler a été ordonné sous-diacre à l’âge de 20 ans. Il a ensuite exercé plusieurs ministères et fonctions au sein de l’Eglise. En 2015, alors âgé de 41 ans, il a été ordonné apôtre par l’apôtre-patriarche Jean-Luc Schneider. Six ans plus tard, en 2021, il a été nommé apôtre de district adjoint pour l’Allemagne Nord-Orientale. A ce titre, il a servi les fidèles en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Irlande, en Europe du Nord, en Russie en en Asie Centrale.
En 2024, il a intégré le Groupe de Coordination de l’Eglise néo-apostolique internationale qui conseille l’apôtre-patriarche.
Il est désormais le successeur désigné de l’apôtre-patriarche.









