∃x.G(x) = Dieu existe

Dieu existe : un génie des mathématiques l’a prouvé. Et les ordinateurs l’ont confirmé. Toutefois, ce calcul ne tient pas tout à fait la route – voici une équation comportant des inconnues permanentes à l’occasion de la Journée internationale des mathématiques de l’UNESCO, le 14 mars.

« C’est la fin ! » – David Hilbert s’effondra. Il avait voulu faire un grand ménage dans les mathématiques, ce fouillis de sous-domaines. Puis, ce jeune intello est arrivé en apportant la preuve : le programme de Hilbert restera à jamais à l’état d’ébauche. Et les experts ont tremblé.

Cette déclaration doctrinale porte le nom de théorème d’incomplétude. Et le nom du geek timide était Kurt Gödel. Plus tard, il a été qualifié de « Mozart des mathématiques » et de « plus grand logicien depuis Aristote ». C’était une sommité du genre à inciter même un homme tel qu’Albert Einstein à organiser sa soirée en tant que professeur à Princeton de façon à pouvoir accompagner son collègue sur le chemin du retour à pied.

Lorsque « Dieu » apparaît dans les formules

« G(x) » est au cœur du problème qui l’a préoccupé plus longtemps que tout autre. Les premières notes datent de l’année 1940, les dernières de février 1970. Et, selon l’explication écrite de sa main dans la marge, G(x) représente « Dieu » (= God).

Non pas que Gödel ait été un homme particulièrement religieux, mais il s’intéressait particulièrement à la religion. Il lisait la Bible et connaissait bien la théologie, mais il ne souhaitait en aucune manière que sa preuve de l’existence de Dieu soit considérée comme une profession de foi. Il était davantage intéressé par le fait de le prouver que par l’objet de la preuve.

Où il n’est question ni de foi, ni d’amour, ni d’espérance

Ainsi, l’envolée purement logique conduit à un niveau extrêmement abstrait. Au-delà de toute expérience, il ne s’agit que de l’interaction de trois définitions (définitions conceptuelles), de cinq axiomes (hypothèses de base) et de quatre théorèmes (conclusions). Le tout est formulé dans un langage de formule de type « logique modale des prédicats de second niveau », qui n’est pas précisément un langage courant même parmi les mathématiciens.

Ce qui en ressort à la fin n’a pas grand-chose à voir avec des termes tels que la foi, l’amour ou l’espérance : un être doté des attributs de Dieu est nécessairement existant. Gödel n’a jamais publié ce théorème, mais il ne voulait pas non plus l’emporter dans la tombe. Il a confié son idée à un seul de ses collègues, Dana Scott, qui l’a présenté en 1970 lors d’un séminaire à Princeton. Ses ébauches n’ont été officiellement publiées qu’en 1987. Et la confirmation définitive est arrivée 35 ans après sa mort.

Le collègue « ordinateur » donne son accord

Les spécialistes de l’IA de l’Université technologique de Vienne et de l’Université libre de Berlin s’en sont assurés : c’est parce que la preuve de Gödel était si fortement formalisée qu’elle a pu être vérifiée en 2013 par ordinateur. Et, à la fin, l’ordinateur a donné son feu vert.

« Pourquoi la preuve de l’existence de Dieu de Kurt Gödel est fausse », ont immédiatement sonné les missionnaires parmi les athées. Et les esprits qui se définissent par la négation ont fait valoir que le logicien avait utilisé la formule plutôt bancale du langage S5.

C’est vrai. Cependant, le collègue « ordinateur » avait ramené toute l’affaire sur le terrain de la variante sûre du langage KB. Depuis, pour les scientifiques, c’est une certitude : la chaîne de raisonnement de Gödel est en béton.

À la fin, c’est une question de foi

Néanmoins, le génie des mathématiques n’a pas apporté une preuve irréfutable de l’existence de Dieu. Car le collier de perles de ses étapes de raisonnement débute par des hypothèses telles que : « Chaque attribut est soit positif soit négatif ». Et : « Un être est divin lorsqu’il possède tous les attributs positifs ».

Ces sept principes fondamentaux peuvent être acceptés ou rejetés – et doivent au moins être remis en question de diverses manières. La question de l’existence de Dieu reste ainsi une question de foi. Et la Bible a tout de même raison, lorsqu’il est dit en Hébreux 11 : 1 : « Or, la foi est une ferme assurance des choses qu'on espère, une démonstration de celles qu'on ne voit pas. »

Au-delà de cette existence

Dans tous les cas, le « Mozart des mathématiques » a démontré une chose : « La thèse de l’existence nécessaire de Dieu peut être développée d’une manière qui satisfait aux exigences les plus strictes en matière de justification scientifique. » C’est ainsi que le logicien francfortois André Fuhrmann le formule dans l’un des ouvrages les plus cités sur le sujet.

La lettre de Gödel du 6 octobre 1961 à sa mère va encore plus loin : « Le monde et tout ce qu’il contient a un sens et une raison, et un bon sens incontestable. Il en découle directement que notre existence terrestre, puisqu’elle a en elle-même tout au plus un sens très douteux, ne peut être qu’un moyen d’arriver à une autre. »


Photo: Oskar Morgenstern, photographer. From the Shelby White and Leon Levy Archives Center, Institute for Advanced Study, Princeton, NJ, USA.

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Andreas Rother
13.03.2021
Sciences, Mathématiques