
Le pardon est une question délicate. On en entend souvent parler au cours des services divins, mais plus rarement comment s’y prendre exactement. Dans les événement du Vendredi saint, Jésus montre l’exemple : trouver l’astuce et la reproduire.
Il fabriquait et vendait des meubles et il est généralement considéré comme un homme sage. D’un côté il a donc été obligé de gérer des clients mécontents et de l’autre, cela ne l’a pas seulement aidé à faire face à ce genre d’agressions, mais m’a aussi aidé moi-même à aborder un verset biblique qui m’a donné du fil à retordre.
Entre ignorance et intention
« Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font », c’était là la prière de Christ sur la croix, tandis que la foule se moquait de lui (Luc 23 : 24). L’expression « pardonne-leur » est logique ; après tout, Jésus n’a cessé d’appeler à aimer ses ennemis. Il est donc logique que, même face à la mort, il vive sa propre prédication.
Mais comment doit-on comprendre le mot suivant « car » ? Uniquement dans ce cas-là ? Uniquement s’ils ne savent pas ce qu’ils font ? Cela rappelle quand même beaucoup les excuses des enfants alors qu’ils ont fait une bêtise : « Je ne l’ai pas fait exprès » – « Eh bien, encore heureux ! » Mais que dire si le mal qui a été fait était quand même intentionnel, sous le coup de la colère ou même de la vengeance ? Pleine responsabilité, donc pas de pardon ?
Des témoins qui se contredisent
Ce verset biblique pose problème depuis que le Nouveau Testament existe. C’est ce que montrent les meilleurs témoins textuels. Car du Livre des livres, deuxième partie, il n’existe pas d’original, seulement des copies et des copies de copies. Et ces manuscrits diffèrent occasionnellement. L’une des divergences les plus importantes se trouve précisément à cet endroit : « Pardonne-leur, car… ».
La moitié des témoins – codes et papyrus – ignore cette phrase, tandis que l’autre moitié la connaît. Les uns ont-ils supprimé des éléments ou bien les autres en ont-ils ajoutés ? Les experts en discutent depuis des décennies… et penchent pour la première version. En effet, il est plus probable que ceux qui copiaient et recopiaient les écrits suppriment un énoncé difficile que de l’insérer.
Solidement ancré dès le début
D’une manière ou d’une autre : la prière de Jésus pour le pardon est incontournable.
C’est exactement ce que Pierre reprend lorsqu’il prêche la repentance dans le temple de Jérusalem : « Je sais que vous avez agi par ignorance, ainsi que vos chefs ». Et Paul s’y réfère lorsqu’il explique le plan de salut de Dieu dans la synagogue d’Antioche : « Car les habitants de Jérusalem et leurs chefs ont méconnu Jésus, et, en le condamnant, ils ont accompli les paroles des prophètes […] .»
Et il y a aussi Étienne, qui prend pour modèle l’intercession de Christ au moment de sa lapidation : « Seigneur, ne leur impute pas ce péché ! »
Changement de perspective
Mais voilà, que signifie « ignorance » ? L’élite de Jérusalem savait pourtant très bien ce qui se passerait si elle livrait un « agitateur » aux forces d’occupation. Les soldats romains connaissaient très bien, pour l’avoir exercé des milliers de fois, les souffrances que leur actes provoquaient. Et le peuple savait aussi qu’il ne s’agissait pas d’une pièce de théâtre.
D’un autre côté, les autorités juives n’avaient pas besoin d’une étincelle dans la poudrière d’une ville bondée à l’occasion de la Pâque. L’Empire romain ne pouvait tolérer aucun soulèvement politico-religieux. Et les gens dans la rue ont juste vu un autre criminel mourir.
Pour, et non contre
« Père, pardonne-leur, car ils ne savent ce qu’ils font » : il ne s’agit pas d’une déclaration doctrinale en matière de péché et de culpabilité, mais de l’acte incroyable de pardonner tout en étant au cœur de l’injustice et de la souffrance. L’amour de Christ n’attend pas que les coupables prennent conscience de leurs actes et se repentent, il offre son pardon à l’avance.
Comment pourrions-nous réussir à nous en inspirer ? En observant comment Jésus l’a fait : il se met en retrait en tant que victime et intervient à la place comme médiateur. Il n’affronte pas ses malfaiteurs, mais intervient en leur faveur.
Et cela nous ramène au charpentier qui fabrique et vend ses meubles et à sa sagesse. Il a contré l’agressivité des plaignants par une petite pensée fort efficace : « Comment puis-je aider ce pauvre homme ? »
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