Le baptême vicaire : une référence biblique pour l’univers des défunts. Et c’est une conférence épiscopale qui l’aurait interdit. Tel est le récit usuel. Ce n’est pourtant pas tout à fait exact – exposition de la décision et de son contexte.
Ce qui s’est passé jusqu’à présent : au cours des premières décennies du christianisme, la coutume du baptême par procuration se développe. En certains endroits, les membres de la communauté se font baptiser à la place de personnes décédées. C’est ce dont témoigne l’apôtre Paul dans sa première épître aux Corinthiens. Et c’est ce que rapporte le docteur de l’Église Tertullian au deuxième siècle.
Le commentaire de Paul par l’Ambrosiaster (ou Pseudo-Ambroise), au quatrième siècle, évoque également ce baptême vicaire : selon lui, à l’époque néo-testamentaire, des personnes étaient « baptisées pour les morts, parce qu’ils craignaient que quelqu’un qui n’était pas baptisé, soit ne ressuscite pas du tout soit ne ressuscite que pour être jugé ».
Ni Paul ni Tertullian ou l’Ambrosiaster n’ont trouvé à redire à la motivation et à la pratique du baptême par procuration. Mais voilà qu’une interdiction survient.
L’interdiction observée de plus près
« Le baptême pour les morts a été interdit en 397 lors du concile de Carthage. » – C’est ainsi ou de manière similaire que l’on aime clore le sujet. Pourtant, cela ne convient au mieux qu’à un examen superficiel.
Ce que l’assemblée régionale des évêques d’Afrique du Nord a réellement décidé : « que l’eucharistie ne soit pas donnée aux corps des défunts ». Car « le Seigneur a dit : ‘Prenez et mangez’. Or, les morts ne peuvent ni prendre ni manger. » Pour cette raison, il faudrait également renoncer au baptême.
En 397, à Carthage, il ne s’agissait donc concrètement pas du baptême vicaire, l’acte par procuration pour les morts par l’intermédiaire des vivants. Pour être précis, il était interdit d’administrer la sainte cène et le baptême à un cadavre, c’est-à-dire un corps mort.
C’est ce que l’assemblée des évêques a réaffirmé en 419 au même endroit, presque dans les mêmes termes, lorsqu’ils ont passé en revue les décisions de leurs 15 dernières rencontres. Toutefois, d’où vient subitement cette idée de baptême pour les cadavres ?
Dans la lutte contre les hérétiques
Le candidat au baptême est mort trop tôt. Il repose désormais sur son lit de mort. Et sous le lit, il y a une personne vivante. La personne vivante répond lorsqu’on demande au mort s’il souhaite être baptisé. Le prêtre se met alors à l’œuvre.
C’est ainsi que les choses se passaient vraisemblablement au sein de la contre-Église romaine primitive des Marcionites. C’est en tout cas ce que rapporte le père de l’Église Jean Chrysostome. Et les évêques Épiphane de Salamine et Philastre de Brescia racontent la même chose , à savoir les courants chrétiens secondaires des Cérinthiens et des Montanistes.
Ces récits ont un point commun : ils datent du quatrième siècle. Et ils font partie d’hérésiologies, d’écrits de lutte contre les déviants et les hérétiques. Pourtant, il n’y est pas forcément question du baptême pour les morts.
Une question litigieuse parmi d’autres
Le contexte est plutôt une querelle permanente entre des poids lourds de l’histoire de l’Église au sujet de très grandes questions de théologie. C’est en principe le philosophe religieux Origène d’Alexandrie qui a lancé le débat au troisième siècle. C’est pratiquement le père de l’Église Augustin d’Hippone qui y a mis fin.
Une question en a entraîné une autre : le Dieu miséricordieux souhaite-t-il réellement punir éternellement les hommes, ou tous seront-ils finalement sauvés ? Peut-on obtenir le salut uniquement au cours de sa vie, ou est-ce encore possible après sa mort ? Lors de sa descente dans les régions les plus profondes de la terre, Christ a-t-il libéré uniquement les justes de l’Ancienne Alliance ou a-t-il également sauvé les pécheurs et les païens convertis ?
Comme souvent, c’est le camp d’Augustin, auquel appartenait également Chrysostome, qui s’est imposé : selon celui-ci, Dieu punit éternellement, le salut n’est possible qu’au cours de cette vie, et Jésus n’a secouru que les justes – et le baptême pour les morts ne doit pas avoir lieu.
Des coutumes qui perdurent
De telles coutumes n’ont toutefois pas pu être éradiquées aussi facilement. Ainsi, au sixième siècle, l’écrivain religieux et évêque Fulgence de Ruspe s’est vu contraint de rédiger le traité « mortui cur non baptizentur » : « Pourquoi les morts ne sont pas baptisés ».
« Pour les enfants décédés ou mort-nés sans baptême, la piété populaire contournait parfois cette interdiction par des réanimations miraculeuses et temporaires », rapporte le célèbre dictionnaire spécialisé « La religion dans l’histoire et au temps présent » (titre original : « Religion in Geschichte und Gegenwart », NdT). Selon ce document, cette pratique a perduré « de l’Église ancienne jusqu’à l’époque moderne ».
La naissance d’un enfant mort-né a déclenché une évolution au sein de l’Église néo-apostolique alors en devenir. Cette évolution s’est concrétisée par des sacrements officiels pour les défunts. Ce sera l’objet du prochain article de cette série.
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