
Aujourd’hui ils l’acclament, bientôt ils le railleront. Cette histoire est plus ancienne que l’événement, et elle est encore racontée des milliers de fois aujourd’hui. Mais il y a une différence qui change le monde : un regard un peu différent sur le dimanche des Rameaux.
« La nouvelle étoile dans le ciel [je ne sais quoi] ». Ou encore : « La profonde chute de [quelconque nom] ». On trouve des titres comme celui-ci en faisant défiler YouTube, en zappant à la télévision ou en feuilletant le journal quotidien. Et si l’on est tout à fait honnête, on découvre en soi la poussée d’adrénaline lors de l’envol, le plaisir un peu ténébreux de la chute.
Ces effets étaient déjà connus des anciens Grecs il y a environ 3000 ans. C’est ce dont témoigne la légende d’Icare : son père fabriquait des ailes en plumes et en cire. Il a averti son fils de ne pas voler trop haut. Mais Icare décolle complètement et s’approche trop près du soleil. La cire fond, les ailes se désagrègent, Icare tombe dans la mer et meurt.
Le mythe en tant que distributeur automatique de billets
De nos jours, l’histoire est un modèle commercial. C’est sur ce modèle que les médias à sensation racontent l’ascension et le déclin des célébrités : Britney Spears, par exemple, acclamée comme pop star puis couverte de hargne une fois qu’elle n’était plus qu’une épave nerveuse. Ou encore l’actrice Lindsay Lohan, exemple parfait de l’idole des jeunes qui a échoué. Enfin, le Premier ministre britannique Boris Johnson, porteur d’espoir au début, devenu finalement la risée de tous.
Ce genre d’histoire se fait plutôt qu’elle ne s’accompagne. C’est ce que la branche avoue dans son cynisme. C’est ce qu’a dit un jour le patron du groupe de médias allemand Springer à propos de son journal à sensation : « Celui qui monte en ascenseur avec le journal ’Bild’ descend aussi en ascenseur avec lui. » Le passager était alors l’homme à la tête de l’État allemand, un président fédéral qui a d’abord été établi puis démonté.
Le plaisir du déclin
Et nous, lecteurs, auditeurs, spectateurs, nous nous prêtons au jeu. Mais en fait, pourquoi ? Les psychologues avancent des réponses.
La foule acclame les personnes qui sortent de la masse et deviennent des célébrités. En effet, leur succès reflète leur désir d’échapper aux limites et à la banalité de leur vie quotidienne. De tels modèles donnent de l’espoir : « L’un de nous a réussi. »
La chute est célébrée de manière tout aussi frénétique, non pas par simple goût du sensationnel, mais parce que la chute satisfait un besoin fort : justifier sa propre passivité. Selon la devise : « Si même les héros échouent, il ne vaut pas la peine que je fasse des efforts. »
Le roi sur la croix
C’est le printemps à Jérusalem. La ville est pleine de pèlerins, la Pâque est imminente. La foule s’enflamme : un certain Jésus de Nazareth entre dans la ville à cheval. Les personnes qui ont entendu parler de lui ou qui l’ont vécu déploient leurs vêtements sur le chemin, brandissent des branches de palmier et l’acclament – un accueil digne d’un roi.
Quelques jours plus tard : la masse blasphème, l’élite ricane, les hommes de main se moquent. L’homme est déshabillé. Les soldats enfoncent des clous dans ses poignets et ses chevilles. Jésus se bat pour chaque souffle. Les épines piquent le cuir chevelu. La gorge desséchée se contracte sous l’effet du vinaigre pur. Un cri. Son sang ne coule plus.
Icare est tombé ?
Le regard vers l’avant
Du point de vue des pharisiens et des scribes, déjà : d’où ce prédicateur itinérant, sorti d’un village de pêcheurs, a-t-il l’impertinence de se présenter comme le Messie ? Cela ne pouvait qu’échouer. Cependant : ce qu’ils ne voient pas, c’est le matin de Pâques, le moment de l’Ascension et le jour du retour de Christ.
La résurrection est plus que la résurrection d’une seule personne, c’est le tournant pour toute l’humanité. Les hommes échouent à cause de leur hybris (surestimation de soi), c’est ce que racontent déjà les archétypes Adam et Ève, qui voulaient être comme Dieu. Jésus a brisé le cercle vicieux.
La manière dont il l’a fait peut déjà nous aider aujourd’hui : garder les pieds sur terre au moment de l’envol, lever la tête au creux de la vague, et tout cela le regard tourné vers l’avant, très loin vers l’avant – du dimanche des Rameaux jusqu’à Pâques et l’Ascension et au-delà, en passant par le Vendredi saint. Jésus avait un objectif en tête et l’a toujours gardé à l’esprit. Il est devenu l’un des nôtres pour que nous puissions devenir un avec lui.
Photo: senadesign – stock.adobe.com